Mû par une forme de frustration et nourri à l’ennui des villes de provinces conservatrices, la rage de Von Pariahs s’échappe dans sa musique... Après un premier album entre pop fiévreuse biberonnée au rock anglais (des Buzzcocks à Bauhaus) et refrains que le kop d’Anfield pourrait détourner sans rougir, le ton se fait plus sec dans le deuxième. Fait “à la maison” à la sueur du front, cafetière vide et murs en béton, le groupe multiplie les clins d’oeil au rock américain plus viril tout en lorgnant vers le côté débraillé des Happy Mondays et MBV pour le mur du son. Pour “Radiodurans”, leur 3ème album, les six gars ont pris leur temps, mûrit leurs envies, transformé leur rage en élément constructif comme à leurs débuts. Réalisé par Eric Pasquereau, le chanteur/guitariste de Papier Tigre et de La Colonie de Vacances, entre autres, les nombreux morceaux déjà composés sont étirés, coupés, tordus et finalement transfigurés par cette collaboration qui s’étale sur près de deux ans. Et le résultat est là, car dès les premières secondes, on sent cette énergie décuplée, cette envie d’en découdre à tout prix.
Ces mélodies naïves et cette dissonance étrange c’est de la pop, peut-être, mais alors sérieusement amochée. Quelques morceaux plus loin, l’atmosphère sombre, hachée, de «Suffocate» - leur premier single - doit quant à elle sûrement autant à la musique répétitive de Glenn Branca qu’à Suuns ou Nirvana. Dans la douceur atmosphérique de “The West” et la rancoeur retenue de “Envious Eyes” il y a comme une plénitude, tout se complète sans efforts, sans contraintes. Dans “Nothing Something” et “No Legs”, le groove nous porte jusqu’aux refrains accrocheurs qui nous rappellent les meilleurs tubes du groupe, tout simplement.
À l’aube de leur premier album le dessinateur Luz disait : “Ian Curtis n’est pas mort, il se bourre la gueule à Nantes avec le plus prometteur des jeunes groupes français les Von Pariahs”. Aujourd’hui on peut le dire : il se bourre la gueule avec l’un des meilleurs groupes tout court.